Frédéric Lordon a publié jeudi un très long texte en réponse à la proposition d’Eric Cantona « Ne pas détruire les banques, les saisir ». Il y décrit le cul de sac économique dans lequel la finance a mis le monde ainsi que des perspectives pour le cataclysme financier à venir.
Le cul de sac financier européen
Même si cela prend du temps, je vous conseille vivement la lecture de ce papier qui démonte l’absurdité d’un système où la finance a plongé le monde dans une grave crise en manquant s’autodétruire. Pour échapper à la destruction, les Etats ont été mis à contribution. Mais l’addition de la crise et des aides au système bancaire a déséquilibré les finances publiques où point que les secourus ont fini par se transformer en tortionnaires de leurs secouristes, exigeant meilleure rémunération et garantie, jusqu’à étranglé leurs secouristes, dont dépend pourtant encore leur propre vie.
Frédéric Lordon dénonce la soumission « des politiques économiques aux injonctions folles des créanciers internationaux » et prévoit que « l’Europe commise à la finance contre ses citoyens mêmes est sur le point de périr par la finance ». Car le continent européen est dans un cul de sac où les marchés, lourdement engagés sur les dettes souveraines, exigent des plans de rigueur pour garantir leurs créances, mais sanctionnent ensuite les Etats pour leur incapacité à croître économiquement, incapacité causée par ces mêmes plans de rigueur qu’ils demandent…
Une Europe hors sujet
Il démontre également que la réponse européenne n’est pas à la hauteur des problèmes. Il souligne que le fond européen ne dispose réellement que de 300 milliards d’euros si on exclut les participations de la Grèce, l’Irlande et l’Espagne, dont on imagine bien qu’ils ne pourront pas contribuer s’ils ont besoin d’être aidés… Or, les besoins de financement à venir de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne se montent à 430 milliards d’euros pour 2011 et 2012. Autant dire que si l’Espagne ne parvient plus à se financer sur les marchés, le château de cartes risque de s’effondrer…
Pour lui, le « territoire pertinent » pour répondre à cette crise n’est pas l’Europe mais bien les nations, les seules à même à prendre des décisions rapides et efficaces en deux heures s’il le faut, comme l’avait fait l’Argentine en 2002. Il dénonce « cette navrante construction européenne dont on sait bien qu’elle est un barbarisme au regard de la grammaire fondamentale de la souveraineté » et appelle à refaire de la nation le seul dépositaire de la souveraineté.
Ne la joue pas comme Canto
L’économiste répond également à la proposition d’Eric Cantona de retirer l’argent des banques. Mais s’il comprend la révolte de l’ancien footballeur, il n’y est pas favorable pour deux raisons. Tout d’abord, la perspective d’une faillite des banques non organisée n’est guère réjouissante. Pour lui, il faut que « ce soit l’Etat qui s’en charge en déclarant souverainement le défaut sur sa dette publique » pour bien signifier que le pouvoir réside dans le peuple et pas la finance, pour soulager les populations des plans d’austérité et enfin permettre à la puissance publique de réorganiser le secteur bancaire à sa guise.
Car en faisant défaut, les Etats mettraient les banques en faillite et pourraient alors les saisir pour rien, de manière à assurer le fonctionnement de la vie économique. Ainsi, les seuls perdants seraient les actionnaires et en partie les investisseurs, sachant que l’auteur propose tout de même de garantir en partie les dépôts des petits épargnants. Pour lui, l’option du défaut est l’équivalent d’une bombe à neutrons qui nous débarrasserait des banquiers tout en conservant les structures bancaires, la banque centrale étant chargée d’assurer le financement de l’économie.
Bref, le moment de vérité approche car toutes les incohérences du système économique actuel mettent l’Europe dans un cul de sac. D’ailleurs, c’est peut-être pour cela que le monde financier est si fébrile, sentant bien qu’il demande l’impossible aux peuples et que la fin de son règne est proche…
Laurent Pinsolle
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